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Interview d'une infirmière du centre anti-douleur du CHU de Brest

Interview d'une infirmière d'un centre anti-douleur

Nous avions, le lundi 17 Décembre, rencontré une infirmière du centre anti douleur du CHU de La Cavale Blanche à Brest. Voici cette interview qui a duré environ 20 minutes. Les réponses sont indiquées par "I-" et nos questions par "E-"

 

E- Comment traitez-vous la douleur dans votre centre ?

 

I- Ce sont essentiellement des consultations externes, c’est beaucoup plus des douleurs chroniques que des douleurs aigues. Est-ce que vous faites la différence entre les deux ?

 

E- Non, mais nous aimerions que vous nous l’expliquiez

 

I- La douleur aigue c’est une douleur qui a moins de 6 mois comme les plaies ou les céphalées. La douleur chronique c’est quand la douleur est là depuis plus de 6 mois.

 

E- Et donc vous vous traitez les douleurs chroniques, c’est cela ?

 

I- Beaucoup plus oui, essentiellement. Parce que les douleurs aigues sont traitées souvent par les médecins généralistes. Quand la douleur de plus de 6 mois ne part pas, quand on a essayé plusieurs traitements  qui ne marchent pas, à ce moment là les médecins traitants adressent les patients à l’unité « Douleur » et y voient un médecin spécialiste de la douleur, un algologue.

 

E- De quoi souffrent le plus vos patients ?

 

I- Ça varie… ça peut être de l’arthrose, des douleurs neuropathiques, des douleurs lombaires, des céphalées, des fibromyalgies, c'est-à-dire des douleurs diffuses, ça peut être des douleurs cancéreuses… En fait il y en a plein !

 

E- D’accord. Quelles sont leurs pathologies ?

 

I- Lombosciatique, des cancers, algodistrophie, des amputés,… après comme ça de mémoire je ne sais pas trop…

 

E- Donc là on se dirige plus vers le sujet de notre TPE : À quel moment prescrivez-vous de la morphine ?

 

I- Eh bien c’est le médecin du centre qui va prescrire la morphine, selon l’intensité de la douleur.

 

E- Suivant les trois paliers de l’OMS ?

 

I- Oui il y a trois paliers dans les antalgiques. Le palier un c’est le paracétamol, le Doliprane, l’aspirine, le Dafalgan… Il y a le palier deux c’est l’Efferalgan Codéine par exemple et après le palier trois c’est la morphine. Logiquement on prescrit de la morphine après avoir évalué la douleur sur une échelle de zéro à dix et habituellement la douleur est supérieure à six quand on prescrit la morphine ; en sachant que zéro les patients n’ont aucune douleur, dix, la douleur est maximale.

 

E- Et c’est quoi à peu près pour eux une douleur de niveau dix ? C’est vraiment insoutenable ?

 

I- Insoutenable, inimaginable. Alors en général les gens s’arrêtent à neuf parce qu’ils se disent « peut être que je pourrais encore supporter plus » mais ils subissent quand même une douleur très très violente qui modifie leur activité, leur comportement.

 

E- La prise de morphine nécessite un suivi médical, non ?

 

I- Oui, ici souvent les médecins prescrivent pour un mois au départ, avec une réévaluation au bout d’un mois, voire quinze jours.

 

E- Oui parce que la douleur évolue aussi. Et quelle est la durée des effets de la morphine ?

 

I- Alors ça dépend de la forme de la morphine : Il y a de la morphine à libération immédiate… après ça dépend aussi si c’est injectable intraveineux ça agit très vite, après vous avez sous cutanée… Ensuite il y a les comprimés de morphine, avec une libération immédiate, qui agissent au bout d’une demi-heure pendant quatre heures ; vous avez des libérations prolongées qui agissent douze heures ; des  patchs de morphine c’est 72 heures.

 

E- Et en fait la prise de morphine elle s’effectue souvent à l’hôpital parce que à domicile c’est plus contraignant ?

 

I- Surtout à l’hôpital mais aussi à domicile mais c’est souvent des comprimés ou des gélules mais non, je pense que les médecins traitants utilisent aussi ça régulièrement, de toute façon le patient est informé et suivi.

 

E- Est-il possible qu'il y ait des dérives ?

I- Oui, certainement

E- Quels sont les effets antalgiques et secondaires de la morphine ?

I- La morphine est un antalgique à visée centrale. Elle agit directement sur les centres de la douleur. Il y a différents effets secondaires. Au départ, quand on commence à mettre en place le traitement ce sont des nausées, des vomissements et de la somnolence qui apparaissent, puis souvent survint un trouble de la digestion (constipation).

E- Et des dépressions respiratoires ?

I- Oui, mais uniquement en cas de surdosage, si la prescription n'a pas été réspectée. Mais le principal effet secondaire reste la constipation.

E- Mais pour lutter contre cet effet secondaire, ne prescrivez vous pas un traitement en plus de la morphine ?

I- Oui, en général on donne un laxatif. On dit aussi au patient de boire suffisament, de manger des fibres pour faciliter le transit, d'avoir une activité physique...

E- Mais est-ce que le patient peut réellement pratiquer une activité physique tout en ayant un traitement à la morphine, étant donné qu'il souffre?

I- Si, ça peut très bien aller ensemble, les patients sous morphine peuvent avoir une activité, il y en a qui travaillent et qui sont sous morphine. Après s'ils ont encore mal, on peut encore augmenter la dose de morphine. C'est un équilibre entre les effets secondaires et la diminution de la douleur. On ajuste au fur et à mesure jusqu'à ce que le patient soit soulagé.

E- Ensuite nous voulions parler de la dépendance à la morphine et de quelle manière elle se crée...

I- Honnêtement je ne saurais pas vous répondre. Il y a la tolérance quand les patients doivent monter en dose pour avoir le même effet antalgique. Et si les patients ne sont pas soulagés par la morphine on leur prescrit une autre forme de morphine comme l'oxycontin, du skenan...

E- Est t'il possible que la morphine n'est aucun effet sur le patient ?

I- Il y a des patients qui nous le disent, oui. Lors des fibromyalgies par exemple, et d'une manière plus générale lors de douleurs diffuses on sait bien que ça n'agit pas forcément bien.

E- Et utilisez-vous autre chose du coup ?

I- Alors pour les douleurs chroniques on peut aussi utiliser, si c'est des douleurs neuropathiques, des anti-épileptiques ou des antidépresseurs par exemple. Après il y a des traitements non médicamenteux comme l'homéopathie, l'acupuncture, l'hypnose, la sophrologie, des stimulations électriques transcutanées, des massages...

E- Y a t-il des personnes allergiques à certains composants de la morphine ?

I- Des allergies, ça peut arriver, c'est vrai que dans les effets secondaires, je ne vous l'ai pas dit, il y a le prurit, les démangeaisons.

E- Sinon vous avez déjà entendu parler de cas dépendants à l'hôpital ?

I- Ici pas tellement, c'est plus des mauvais usages : les patients en prennent trop en peu de temps et sont donc plus ou moins en situation de manque et par conséquent ils augmentent les doses. Mais pour vraiment trouver des cas dépendants, je pense que ce serait  plus au niveau des centres pour toxicomanes. Sinon ici on a un centre d'addictologie et il arrive que les médecins leur adressent leurs patients pour les sevrer lorsqu'ils ont eu de la morphine à haute dose sur long terme. Il faut diminuer progressivement les doses de morphine sinon le patient va être en manque. Je vois parfois des patients dans leur chambre tremblotants et frigorifiés. Pour prévenir cela il y a l'ordonnance sécurité c'est à dire que la prescription, ne peut dépasser les 28 jours.