II - L'action de la morphine sur l'organisme

 


II - L'action de la morphine sur l'organisme

 

La morphine est une substance dérivée de l’opium, elle-même extraite du pavot Papaver Somniferum. Le principe actif de l’opium fut découvert par F. Sertuner en 1805 et baptisé « morphine » en référence à Morphée, le Dieu Grec des rêves. C’est un alcaloïde. Elle fait partie de la famille des opiacés. Elle est connue pour ses propriétés analgésiques et narcotiques (qui engourdit la sensibilité, calme et endort). En tant que puissant analgésique, elle est utilisée comme médicament dans le contrôle de la douleur, dont elle diminue la sensation. Elle est tellement puissante, qu’elle est devenue la référence à laquelle on compare tous les autres antalgiques, en termes d’efficacité.


I - Le mécanisme d'action


1.1 - L'action spinale

L'action spinale est l'action de la morphine au niveau de la moelle épinière.

Lors d'un stimulus douloureux (exemple : une piqûre), il y a création d'un message nerveux, véhiculé jusqu’à la moelle épinière par des fibres nerveuses afférentes, qui se regroupent pour former les nerfs. Une fois le message nerveux à la moelle épinière, la morphine va se fixer sur les récepteurs de la membrane des neurones nociceptifs post-synaptiques. Ces récepteurs sont appelés les récepteurs opioïdes et sont localisées sur les neurones de la moelle épinière. Ils permettent de contrôler la douleur en l'inhibant, comme le font les molécules d’enképhalines et en exerçant un blocage presque total de l’émission des messages nociceptifs (message signifiant qu'il y a une stimulation douloureuse au niveau des terminaisons nerveuses) véhiculés par les nocicepteurs des neurones transmetteurs.

Comparaison de la fixation de la morphine( à droite) et de l'enképhaline (à gauche) sur un récepteur opioïde.

Comparaison de la fixation de la morphine( à droite) et de l'enképhaline (à gauche) sur un récepteur opioïde.


La morphine endogène et les opiacés d’une manière générale sont capables de se fixer sur les mêmes récepteurs que les enképhalines, car ils possèdent une région de leur structure moléculaire semblable à celles des enképhalines.

ressemblance enkephaline morphine


 

Néanmoins, même si la structure de la morphine et des enképhalines sont semblables, l’activité analgésique de la morphine est plus puissante et dure plus longtemps, car contrairement aux molécules d’enképhalines, la molécule de morphine n’est pas dégradée, c'est à dire qu'elle se détériore beaucoup moins rapidement.

De plus, son activité sur la moelle épinière n’entraîne pas de dépendance.


1.2 - L'action au niveau du cerveau

Les messages nociceptifs sont conduits par les faisceaux de neurones ascendants dans les différentes aires cérébrales impliquées dans le mécanisme de douleur (le cortex préfrontale, substance grise périaqueducale, le système limbique,...). C'est pourquoi il est difficile de suivre précisément cette douleur.

Cependant, on sait que se sont les récepteurs opioïdes qui sont impliqués dans le contrôle de cette douleur. La partie semblable de la molécule de morphine à celle de l'enképhaline va se fixer sur les récepteurs opioïdes et ainsi simuler l'action de l'enképhaline. C'est-à-dire qu’en mimant la libération d'enképhaline et leurs fixation sur les récepteurs aux opiacés situés dans certaines régions du cerveau comme par exemple le système limbique (Partie du cerveau responsable des émotions, sensations de plaisir…). La morphine va freiner l’activité de ces neurones inhibiteurs, en empêchant la sécrétion de GABA ce qui va alors lever l’effet restrictif qu’exerce le neurone à GABA sur le neurone à dopamine. Les neurones à dopamine seront moins inhibés, la production de dopamine va augmenter, car les neurones inhibiteurs ne vont plus freiner l'activité des neurones à dopamine des circuits de récompense. Cette surproduction de dopamine va être à l’origine de la sensation d’euphorie, car la dopamine est un neurotransmetteur dont la sécrétion provoque une sensation d'euphorie.

Cette sensation d’euphorie est dûe, au fait que la morphine exerce  une action plus puissante que celle des enképhalines. Elle rend l'inhibition de l'activité des neurones inhibiteurs plus importante. Et crée par conséquent, une libération de dopamine  plus importante, ce qui provoque une sensation de plaisir supérieure à celle des enképhalines.

 

II - Quand et comment emploie t-on la morphine ?

 

2.1 - Pourquoi et comment est-elle employée ?

La morphine est employée pour soulager un patient d’une trop forte douleur. Lorsque la douleur est ponctuelle et aiguë, on administre au patient une dose de morphine selon l’intensité de la douleur ressentie et en prenant en compte ses pathologies. (Exemple : patient avec une fracture ouverte ou avec une luxation.) Pour cela, on demande au patient d'évaluer sa douleur selon 5 catégories desquelles résulte un score associé à :  0 = pas de douleur , 1= faible , 2 = modérée , 3= intense, 4 = extrêmement intense. On présente au patient une échelle visuelle analogique (EVA), qui lui permet de montrer  l'intensité de sa douleur. Pour ce faire, le patient doit déplacer le curseur de la réglette le long d'une ligne objective. Le patient doit donc définir l'intensité de sa douleur sur une échelle allant de "pas de douleur" à "douleur maximale imaginable". Il ne reste plus ensuite qu'à faire correspondre cette intensité avec la notation se trouvant à l'arrière. Puis l'intensité de la douleur est associée à l'antalgique lui correspondant. Ce qui permet de donner un traitement adapté. Cependant, pour que le traitement soit le plus juste possible, il faut renouveler l'étude de l'intensité de la douleur par le patient toute les 24 à 48 heures.


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Echelle visuelle analogique


Pour l'utilisation de la morphine, cela correspond à une douleur décrite par un patient comme supérieur à une intensité supérieur à 2, donc d'intensité modérée. Il s'agit d'une douleur correspondant au palier 3 sur l’échelle de l’OMS. Concrètement, cela signifie  que si le patient n’est pas soulagé avec des antalgiques de palier 2 alors la prise de morphine devient légitime, voire nécessaire.

La quantité de morphine est adapté pour chaque cas, mais elle tourne tout d’abord autour de 60mg par jour. Ce dosage est ensuite adapté selon l’évolution du ressenti douloureux par le patient.


Ce tableau présente les différents paliers de la douleur selon l'OMS.  Ce tableau présente les différents paliers de la douleur selon l'OMS.

 

2.2 - La durée de ses effets

L’effet analgésique disparait au fur et à mesure que la substance est éliminée par l’organisme. Selon la voie d’administration, la durée des effets peut varier. Exemple : par voie intraveineuse, les effets durent 4 à 5 heures et l’efficacité est maximale 20 minutes après l’injection. Alors que par voie orale, la durée de l’analgésie est plus faible : il faut des doses plus élevées pour obtenir une efficacité identique à celle des autres types d’administrations.

L’efficacité varie aussi selon les modes d’injections. Exemple : par voie intramusculaire, l’efficacité maximale est atteinte entre 30 et 60 minutes après l’injection alors qu’il faut attendre entre 45 et 90 minutes lors d’une injection sous cutanée.


III - Les effets de la morphine

La morphine est utilisée en médecine pour ses puissantes vertus antalgiques.

Néanmoins, nous avons pu constater que la liaison de la morphine avec les récepteurs provoque une sensation d’euphorie et un effet analgésique, soit une sensation agréable et de « bien-être ». Mais, elle possède aussi des effets secondaires.


3.1 - L'effet antalgique

L’analgésie est le principal effet de la morphine qui calme la plupart des syndromes douloureux (ex: cancers).

La morphine permet de soulager un patient de sa douleur. Elle permet aussi de diminuer la sensibilité aux stimulis nociceptifs chimiques et mécaniques. Elle crée une modification de la perception de la douleur : pour certains patients, la douleur est toujours présente mais la morphine entraîne un certain détachement vis-à-vis de la douleur. Elle diminue les réactions face à la douleur (crise, gémissements, anxiétés,…)

Lors d’une anesthésie, on utilise la morphine dans le but de soulager le patient de sa douleur et pour pouvoir l’endormir. La morphine a aussi un effet sédatif, mais qui a ici un effet bénéfique.


3.2 - Les effets secondaires

La morphine inhibe les récepteurs opiacés de la même manière que pour les effets analgésiques. Ce qui entraîne des effets non recherchés : les « effets secondaires ». De plus, elle peut également entrainer une forte dépendance physique et psychique. Elle fut notamment utilisée comme stupéfiant par les toxicomanes au cours du XXème siècle. Désormais, la morphine est classée comme stupéfiant au niveau international. Tous ces effets seront développés dans une troisième partie.

D'une manière générale, ces effets peuvent être :

-      Une dépression respiratoire

-      Une euphorie

-      Une dépendance physique : introduit le syndrome de sevrage.

-      Une dépendance psychique : exceptionnelle

-      Une sédation / une somnolence : bénéfique lors d’anesthésie. Le soulagement de la douleur permet au patient de combler sa « dette du sommeil ».

-      Des hallucinations

-      Des nausées, des vomissements : très répandus, un tiers des patients présentent ces symptômes en début de traitement.

-      Une dépendance : c’est inévitable lors des traitements prolongés.